Boucher le trou

IMG_4938Vivre avec quelqu’un en permanence ça n’a jamais été mon fort, tu peux en parler avec tous ceux qui s’y sont essayés. Ce besoin de liberté. Cette détestation des contraintes et du rythme imposé. Ce rendu-de-comptes de tes allées et venues. Qu’il s’agisse de tes parents, de tes collocs, de ton mec ou de qui que ce soit, vivre avec quelqu’un c’est devoir faire avec. C’est le ou la respecter, son rythme, son sommeil, ses envies, ses phobies, ses goûts en général, télévisuels en particulier, bref, c’est se plier à un être humain qui n’est pas toi. Non pas que je sois ultra egocentrée (quoi que…) mais … j’aime écouter de la (objectivement toujours très bonne) musique fort, je suis bordélique, je n’aime pas prévoir ce qu’on va manger ni à quelle heure, je zappe les chansons au bout d’environ 30 secondes, je ne rince pas les trucs avant de les mettre dans le lave vaisselle, j’attends que la poubelle déborde pour changer le sac, je peux tenir une semaine avec un frigo vide, et surtout, surtout, il ne faut pas me parler avant au moins 2 cafés le matin, quelle que soit l’heure… Oui, je sais, tu vois se profiler mon côté « femme idéale » et je t’assure que je n’en rajoute pas pour t’attirer,  je suis vraiment comme ça.

Un jour sans l’avoir vu venir, le colocataire définitif est arrivé. Celui qui allait, quoi que j’en pense ou dise, partager mon quotidien, mon hebdomadaire, mon mensuel, mon éternel. Celui qui allait être plus bordélique encore que moi, celui qui allait kiffer la musique encore plus fort que moi, celui qui n’allait jamais vider la poubelle, celui qui ne relèverait jamais la cuvette des toilettes pour ne pas avoir à la baisser ensuite et m’entendre râler. Celui qui peut manger n’importe quoi à n’importe quelle heure, mais quand même assez souvent. Celui que j’ai fabriqué moi même, donc un peu à mon image, je te l’accorde. Celui qui ne me parle pas le matin alors qu’il aurait mille choses à dire, mais lui, il sait. Celui qui m’agace autant qu’il me ravit. Celui qui n’est pas moi, mais une version quand même assez approchante. Vivre avec lui c’est pas simple tous les jours hein, mais on se marre quand même pas mal…

Et puis vient ce moment de l’été où il part. Il va chez son papa, et je t’avoue qu’il y a comme un… trou. Un vide. Bien sûr que je suis ravie de replonger dans cette liberté tant envolée qu’elle en est encore plus précieuse une fois retrouvée, bien sûr que je sais qu’il est heureux de voir son géniteur légophile et nintendo-laxiste, amnésique de paternité 90% du temps, bien sûr que c’est primordial pour son équilibre, et le mien, ce moment de répit réciproque. Bien sûr que ce temps de partage avec celui qui brille par son absence, physique, téléphonique, whatsappique, skypique et tout-autre moyen de communication-ique et donc parentale est essentiel à sa construction. Je le sais. Mais le fait est que ça fait comme un trou. J’ai appris la semaine dernière qu’un trou noir était quelque chose qui avait une telle densité que sa gravité attirait tout à lui et que rien ne pouvait s’en échapper, pas même la lumière. Dieu soit loué, le trou laissé par le nain n’est pas de ceux là, mais il est ce qu’on en fait, et sa densité varie en fonction de l’importance qu’on lui accorde. Je t’ai perdu là. Attends, je t’explique. Si on considère un peu trop le trou, il finit par grossir et tout attirer à lui. Il est donc primordial d’avoir toute une galaxie autour de soi pour nous éloigner de ce trou (noir). ça y est, t’as saisi la métaphore. Fais gaffe ça continue, et c’est à peine filé. Moi dans ma galaxie (champ lexical du trou noir) j’ai pas mal d’étoiles (et ça continue), et c’est là qu’elles interviennent, telles des prestidigitateurs, elles font diversion, elles agitent un foulard pour que mon attention soit attirée ailleurs, loin du trou, et comme par magie, le trou s’éloigne et n’attire plus rien. Le jour du départ elles sont toujours là. Toujours. Elles agitent le foulard. Coloré et joyeux.  Mercredi, elles n’ont même pas trop eu à l’agiter, je n’avais qu’une envie, c’était le regarder. On a dansé et chanté, on a ri, on a bu (oui, on boit parfois, mais ça reste très exceptionnel, genre 7 fois par semaine) . La moiteur du plein été, les chaises en plastique, les serviettes en papier, la lumière exceptionnelle de l’heure magique du coucher du soleil, les discussions débiles, le bruit des glaçons dans le vin blanc et la photogénie toute relative de chacune d’entre nous étaient les ingrédients parfaits de ce cocktail sucré et délicieux… Ma galaxie adorée. Mon univers merveilleux. 

Le lendemain matin j’ai pu boire mes 4 cafés en jouant avec spotify sans personne pour me dire de re-re-remettre balance-ton-quoi pour la 12ème fois mais plusss fort. Personne ne m’a demandé ce qu’on faisait aujourd’hui, et devine quoi, personne n’a faim, ou soif, ou un problème avec le wi-fi dans sa chambre – personne n’essaie de me gratter des minutes en plus de switch, et personne n’a semé ses vêtements entre sa chambre et la salle de bains (à part moi bien sûr). Personne ne trouve pas son maillot -mais si tu sais celui avec la bande jaune fluo – Et personne ne saoule le chien au point de se prendre un coup de griffe ou de dent et de venir chouiner après et je cite « Mais j’ai juste mis ma tête sur le sol et lui il m’attaque » – Je n’ai pas hurlé. Je n’ai rien rangé. Je n’ai rien répété… Bonheur simple, et pourtant si rare. 

Ce midi, un vinyle tourne et crépite sur la platine, il couvre les ronflements du canidé à tête plate qui doit se demander où est passé l’humain miniature qui l’occupait tant. J’hésite entre deux bouquins qui m’attendent depuis des semaines, vais-je me re-re-re-refaire un café… And you want to travel with her, and you want to travel blind, And you know that she will trust you, For you’ve touched her perfect body with your mind… Suzanne s’envole par la baie vitrée, je vais me refaire un café…

Le trou a parfois du bon, et il n’est pas si noir que ça, crois moi. L’important dans tout ça, ce n’est pas l’absence, c’est ce qu’on en fait. (On dirait du Calogero nan?, quand je te dis que j’aime la bonne musique) 

J’ai l’immense chance de le savoir heureux, et de retour dans 18 dodos maintenant (ho ça va, j’ai le droit de compter en dodos). Il semblerait qu’il ait pris du coté de son père pour ce qui est de la communication, alors je ne suis pas non plus assaillie d’appels et de messages, ou est-ce seulement le chromosome Y qui les conditionne comme ça, il faudrait que des généticiens se penchent sur la question, il doit y avoir un lien. Parce que quelque chose me dit qu’une petite fille m’aurait sans doute déjà appelée au moins 3 fois et envoyé 42 messages.

Le vrai bonheur c’est d’avoir un univers tout entier autour de soi qui agite des foulards juste quand il faut et me laisse apprécier ma « solitude » très relative. Il va revenir tellement plus grand de tout ce qu’il fait sans moi. Il va revenir ravi de ces jours sans limites, sans barrières, sans lunettes, sans savon, sans légumes, sans carcan ni règles. Il va revenir heureux. Heureux d’être parti et heureux de revenir. Que puis-je rêver de mieux pour l’équilibre d’un petit garçon dont mon seul but, est d’en faire un homme heureux…  

Bon, je vous laisse, je vais quand même aller vider la poubelle. 

Allez, bisous.

Nainfree

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Y’avait des pancakes, des gaufres, et du vin. Y’avait des enfants partout, des grandes filles qui disent des gros mots, des iphones qui prennent des photos de bouffe pour les instagramer, un trempoline, des bouchons de champagne qui sautent, un thermomix qui fait des œufs brouillés ou pochés, c’est toi qui dit, y’avait du gluten, du lactose, du gras, du sucre, et re-du gras. Des crises de rire, un « pamping-car » de poupées, du café, du soleil, et des stan smith… Y’avait aussi un « poulaousse » où on a trouvé des chaises, et partout, partout, de la bonne vibe. Ouais. J’ai vérifié. Partout je te dis.

Y’en a qui avaient fait des cakes, y’en a qui avaient fait un footing, pardon, un « run » avant de venir, elles ont même une appli pour ça, y’en a qui ont apporté des fleurs parce qu’elles savent vivre, perso, tu te doutes bien que j’avais fait… du vin ouais, je te donnerai la recette, je l’ai fait avec ma carte bleue.  Je suis donc arrivée dimanche à Wisteria Lane, mais en plus flex et en plus dans la montagne aussi. Bon, on était tout sauf Desperate, et on n’est pas trop Housewives, mais qu’est ce qu’on était bien bordel. On s’est fait un Brunch d’un autre monde. Ou de celui là, mais en mieux. Y’avait tout le monde, Bree, Susan, Lynette, Gaby, et même Eddie, mais en plus bonnasse et en tellement plus drôle.

Tout le monde avait des nains, on était 2 à pas les avoir avoir sur nous, on était NAINFREE, c’est comme glutenfree mais pour les nains. Après quand t’es avec tes copines et que y’a des nains partout, t’as quand même l’impression que y’a le tien dans le tas. Quand quelqu’un crie MAMAAAAN, t’as un genre de reflexe pavlovien. C’est comme ça, tu te retournes. T’es jamais totalement nainfree en fait. C’est en toi. Moi, mon nain est parti pour les vacances chez son corress’.

Son corress’ ? Son correspondant . C’est un peu comme un système de parrainage. Y’a pas mal de programmes « à distance » pour les enfants maintenant… Nous, On s’est inscrits y’a un peu plus de 2 ans… C’est pas trop mal foutu ce système, un type qui habite un peu loin paye une cotisation tous les mois, et il « parraine » un nain. Le nain va en vacances chez lui. Et ils échangent des nouvelles… Tout le monde est super content. Mon nain à moi, il a un correspondant comme ça. Il part chez son corress’ de temps en temps, pour apprendre les coutumes locales… Chez son corress’ la vie est différente, on se couche tard, on met pas de réveil, on mange des trucs trop cools, parfois on reste en pyjama toute la journée, on joue aux legos, le corress’ est hyper doué en legos. On joue à la ninetènedosouitche, le corress’ a une ninetènedosouitche, ouais… On va à la fête foraine, on va au cinéma, on fait du vélo, on se marre. Y’a pas trop de règles. C’est le pays des vacances. Ouais, mon nain a un corress’ qui vit au pays du bonheur. Au pays imaginaire. Tu sais, le pays imaginaire, mais en vrai. Parfois son corress’ ne peut pas le prendre, parce qu’il a trop de travail. Alors je lui explique et le nain dit « d’accord », parce que le nain, il est pas contrariant. Ça a l’air chouette hein. Tu veux t’inscrire aussi ? Tu veux que ton nain parte au pays imaginaire ? C’est pas compliqué ! Remplis ton formulaire! ça s’appelle « Droit de visite et d’hébergement ». C’est pas drôle ? Si. Je t’assure que si. Maintenant ça commence à l’être. Il faut savoir que Y a 2 ans ça me faisait pas rigoler du tout hein. Y a 2 ans j’aurais écrit des trucs moches parce que j’étais triste, et en colère. Et parfois quand on est triste et en colère on écrit des trucs un peu moches, mais qui sont drôles ! J’avais trouvé une petite formule dont j’étais hyper fière, je disais que nous, on avait élargi notre spectre musical, qu’on était passé de Balavoine à Stromae, ouais, en quelques semaines on était passé de « Mon fils ma Bataille » à « Papaoutai ». Ça me faisait rire. C’était sûrement un peu drôle. Mais aujourd’hui je ne fais plus cette blague. Aujourd’hui je parle de corress’, et j’essaie de m’amuser du fait qu’il ne le voie pas beaucoup… voire pas du tout beaucoup. Mais en fait je suis contente de l’emmener jusqu’en salle d’embarquement pour prendre la deuxième étoile à droite et tout droit jusqu’au matin. Je kiffe de le voir ravi… Je suis soulagée quand il part au pays imaginaire… et qu’il retrouve son corress’ … ouais, Peter Pan. Parce que je sais combien c’est important que le mini-être humain que j’ai fabriqué puisse profiter de celui que lui appelle « papa ». Sans compter qu’on va arrêter de se mentir hein. Quand il est au pays imaginaire, moi je suis en VACANCES. L’an dernier il y est parti 35 jours. Fais le calcul, ça en fait 330 pour moi. Et ben c’est long 330 jours. Du coup, ne vas pas croire que je prends des congés hein, nan, je travaille quand il est pas là. Mais partir tard du boulot devient un genre de liberté, ne pas faire à diner ou ne pas demander à quelqu’un d’aller se coucher avant 20h30 est comme une émancipation. Et Le matin… Le matin, tu peux juste te préparer toi. T’as personne à booster, motiver, driver. Parce que je sais pas toi hein, mais moi c’est le modèle à qui il faut tout répéter 42 fois le matin. Alors quand il est au pays imaginaire, c’est presque… des vacances. Pas de boite à gouter. Pas de sac de Karate. Pas de devoirs… Pas de Zouzous, pas de Tchoupi, pas de Gulli. Aujourd’hui j’ai skypé le nain, il est avec les « enfants perdus » et il s’éclate. Y’a que ça qui compte tu sais. Il semblerait que Peter Pan aie dû s’absenter pour quelques jours, une Lili la tigresse à sauver, un Capitaine Crochet à combattre sûrement. Mais le nain est entre de bonnes mains, je les connais ces mains, j’ai vécu 7ans avec, et je sais combien elles s’occupent bien de… leur petit frère. Elles vont me le renvoyer dans 2 dodos. En attendant ils sont tous les 4. Si vous les aviez vu ce midi dans ce bateau de pirate que je connaissais par cœur. Comme Ils sont beaux. Mes 4 enfants perdus à moi. Inséparables. Comme je suis fière. Fière d’avoir été leur Wendy. Parfois tu sais, j’aimerais bien être Peter Pan. Parce que Wendy est quand même un peu relou au final.Mais Bon, le collant vert c’est pas hyper avantageux pour la silhouette… Tu sais le truc marrant dans tout ça, c’est que je me rends compte que dans ce conte, les garçons ont des meilleurs rôles que les filles… Mais c’est une fiction, et tout rapprochement avec des situations existant ou ayant existé n’est que pure coincidence bien sûr…

Je vous laisse, je vais sniffer un peu de poussière de fées, il faut au moins ça pour ranger la chambre du nain avant son retour.

Allez, bisous.