Ce matin c’est Patrick Cohen qui m’a annoncé votre mort. Bien sûr à 92 ans, elle était plus probable que celle de pas mal d’autres … Mais quand même, ça m’a fait quelque chose. Vous étiez l’incarnation de l’esprit. Des mots d’esprit. Je me demande qui, qui disséminera dorénavant ces petites piques avec classe à propos de nos politiciens. De notre déplorable actualité. Qui posera désormais ce regard si bleu et si clair, mais si critique et bienveillant sur notre société et ses excès. Qui sera maintenant le respectable garde-fou de notre asile. Qui commentera tout ce cirque avec humour, malice et respectabilité… Ce n’est plus Toi. Toi tu vas simplement regarder tout ça d’un peu plus haut, d’un peu plus loin. Sûrement rigoleras-tu avec cet autre grand Jean, qui t’a devancé de quelques semaines. Ensemble vous ferez probablement marrer Simone, et Jeanne passera par là… ça fumera des clopes et boira du bon vin, en se disant « tout ça pour ça ». Finalement vous êtes mieux là haut tu sais… Apparemment dans pas trop longtemps Johnny montera vous allumer un feu de tous les diables, ça fait un moment qu’il le prépare.. Je me demande si en arrivant il va dire « Je ne suis qu’un fou, qu’un fou, un fou d’amour, Un pauvre fou qui meurt, qui meurt d’amour. » . Essaie de voir quand même, maintenant que tu es là haut, si on peut mourir d’amour, je me pose la question, sur doctissimo ils n’en parlent pas. Tu crois toi ? Excuse moi, je te dis tu, mais tu sais si j’avais un jour eu la chance, que dis-je l’honneur de te rencontrer, je t’aurais donné du vous. Même du Vous avec un V majuscule. Et je ne t’aurais pas parlé de Doctissimo. Tu fais partie de ces gens qu’on ne peut pas tutoyer en vrai. Mais maintenant on s’en fout. Le tu, le vous. Toi l’académicien, toi l’amoureux de la langue. Tu me dirais que non, on ne s’en fout pas. Que chaque mot à son importance et qu’on ne peut pas en faire n’importe quoi. Et tu as tellement raison Jean. Enfin, vous avez tellement raison, Monsieur. Les mots c’est tellement chouette que tu peux faire ce que tu veux avec. Les mots c’est la plus belle arme. Les mots c’est la plus belle caresse. Les mots c’est le plus beau spectacle. Les mots c’est la plus belle toile. Les mots c’est le plus grand lien. Les mots c’est gratuit. Les mots c’est partout. Les mots c’est tout le temps. Les mots ça reste. Je suis de celle qui les garde. Qui les colle. Qui les écrit avec un vrai stylo. Je suis de celle qui les lit. Je suis de celles qui aimerait en écrire plus. Je suis de celles qui aimerait en lire plus. Je suis de celles à qui les vôtres vont manquer.
Vous étiez le grand jumeau de l’être humain qui m’est le plus cher au monde, celui que j’ai fabriqué. vous étiez né le même jour que lui. Ou plus exactement il est né le même jour que vous. Hasard du calendrier. Ou pas. Peut-être a-t-il choisi son étoile avec goût et intelligence… Moi je le crois.
Je me demande si vous aviez préparé un épitaphe.. une épitaphe? Vous voyez les mots… parfois on ne sait pas. Et c’est aussi ça qui est chouette. Vous pensez que sur votre pierre tombale ils vont mettre « Il manquera à tou-t-e-s »? (T’inquiète, si ils osent, je viens rectifier moi-meme. #inclusivetamère) Et dans un registre un peu plus sérieux, j’espère que votre titre d’Immortel n’était pas usurpé, et que vos mots resteront éternellement gravés. Vous nous laissez tristes de ne plus vous savoir éveillé, veillant, bienveillant.
Allez, bisous.
PS : si vous croisez un gros canadien qui s’appelle René, dites lui que tout va bien, Céline est BEAUCOUP plus drôle maintenant!